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LE MANGA FRANCAIS

                                                                     Oui, je sais.
     Le manga c'est japonais, dessine au Japon par des japonais avec des crayons japonais sur du papier de riz, et c'est payable en yen.
     Pourtant, ca fait un bon bout de temps que ce terme existe...
 

Le " manga francais " a deja toute une longue histoire, de plus d´ une bonne grosse decennie.

Toute une generation est revenue a la BD par les mangas.
     Toute une generation a grandi avec les mangas et la japanimation a la tele, ils ont fait des dessins " manga " dans les marges de leur cahiers.
     Ils s'en sont nourris, l'ont digere,
     Ils en ont fait une partie de leur culture, enrichie de leur propre experience.
          Comme tant d'autres avant eux...

- Tezuka decouvre  un style en visionnant les courts metrages de Disney,
- Herge qui voulait envoyer tintin en Chine fait la connaissance du jeune Tchan tchon Jen qui l'initie a la peinture chinoise, elle aura une grande influence sur son oeuvre.
- Wendy piny, lectrice de mangas s'inspire de leurs graphismes  lorsqu'elle se lance avec son epoux Richard dans la serie " Elfs quest " (la quete des elfes)
- Taiyo Matsumoto sejourne en france a l'age de 22 ans afin decouvrir l'esthetique de la bd franco-belge.
- Jirô Taniguchi collabore avec Moebius pour " Icare "

                                               Tu vois que le metissage ne date pas d'aujourdhui...

Des l'apparition des animes, certains se lancent dans l'aventure des fanzines,(Nekkyo, My city, shooting star,black and white galerie, etc...etc... etc...) d'abord des articles et des critiques puis, leurs propres BD.

Certains publient leurs propres creations, comme, en son temps " Sanctuary kimengumi " de Christophe boullé, parodie d'animes bien connu, veritable doujinshi a la francaise.                                 
  
(http://bigbull.free.fr)

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 L'association Onigri de Galou (Gaelle Autin) et Darachan (Daravane khamphommala) propose leur propre BD " Tangle
 

(d'abord publie en fanzine aujourd'hui introuvable, on peut lire en ligne les premiers chapitres)

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 www.o-nigiri.com/tangle/

Au contraire, c'est en ligne que les americains Franck Gallager et Rodney Caston publient megatokyo, avant de le publier sur papier a la demande des foules en delire.
     On peut meme le lire en francais
.

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http://www.megatokyo.it/?lang=fr

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Tu imagines que tout ces jeunes passionnes n'allaient pas s'arreter la.

 En novembre 1995 parait en kiosque le magazine de petit format " Yoko " qui se veut la bible des mangas et qui publie ce qu'il appelle deja du "manga francais ", des histoires courtes de jeunes dessinateurs issus du fanzinat.
     On commence a y trouver certains noms de ceux qui tenteront la grande aventure.
     Comme Zerriouh et son " Banni "
              
http://www.zerriouh.com/ ( il auto-publie son manga : Metro-city, il travaille sur Lea parker la BD, publie Kenro dans Shogun)
      Aurore Demilly qui publie  " Pixie "
   
(http://auroreblackcat.free.fr/)
 ou Maeva Pierre
(http://kujakingdom.free.fr/) qui prepare un album : " Les elfes de milonia " ...et bien d'autres...
     Ce sympatique magazine melange etrangement " grand public " et " erotisme "avec des bandes " coquines et allumees "
     Ce qui lui vaut certainement quelques avertissements, il finit par renoncer a l'erotisme, perd des lecteurs et disparait.
     Il a ete l'un des rares a faire confiance a une nouvelle generation de mangaphiles pour publier leurs premieres planches.
     Des les annees 90, des dessinateurs nourris aux mangas entrent dans la carriere.
  Ils doivent " faire avec " le format " franco-belges ".
" Manga " devient un argument publicitaire.
On decrit "le rythme, la lisibilité et l'efficacité des mangas " de la bd noir et blanc de 134 pages " Shekawati " (Pierre-Yves Gabrion - vents d'ouest-  une des premieres BD assistee par ordinateur, un second argument publicitaire.)
- " HK " ( est presente a l'epoque comme un metissage de ces deux styles.
-  " Nomad " (Jean-David Morvan, Sylvain Savoia) est prepublie dans kameha comme " un manga a la francaise ".

 En Italie (1997) les auteurs Alessandro Barbucci et Barbara Canepa, concients du manque de bd pour adolescentes, creent sous le label Disney, malgre les doutes de la direction, une serie aux aspects de " manga-like "  ou 5 adolescentes sont confrontees aux forces du mal mais aussi a des problemes personnels.
     La bande publiee dans " Minnie mag " cartonne au point que le magazine prend le nom de ses nouvelles heroines en 2003 :  " W.I.T.CH "

   Ils travaillent sur le premier chapitre avant de partir vers d'autres cieux et y publier " sky doll "

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Mais des auteurs professionnels vont plonger dans l'aventure  du manga :
     Au japon le manga  commence a perdre des lecteurs, un petit pourcentage, 1 % par an environ, mais les japonais s'inquietent, et pensent a rechercher du sang neuf. L'editeur Kodansha (N°2 des mangas) envoie des agents a travers le monde pour trouver les perles rares qui renouvelleront le genre.
     Le seul critere est que le style de narration soit lisible par le lecteur lambda.
     Ils recrutent a travers le monde comme l'americain Paul Pope, (Tandis qu'aux USA Adam Warren publie du " manga-like " sans complexe) et l'italien Vinna Vinci.
     Certains agents arrivent donc en France, ils rencontrent des auteurs prets a sauter le pas, quelques un sont choisis apres un tri serieux
     Ils seront une dizaine a publier dans " Morning"
     Ils decouvrent les magazines de 1000 pages (qui publient des chapitres de 20-30 ou 50 pages) avec la grisante possibilite d'etre lu par des milions de lecteurs.

Ils decouvrent egalement le dictat des editeurs et l' " audimat a la japonaise " sous forme de coupon-reponse encarte dans le magazine.
 Le lecteur peut donner son avis - l'histoire qui plait le plus (ou le moins) - la case qui plait le plus (ou le moins) - le personnage qui plait le plus (ou le moins).

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Baru publie en 1994 " l'autoroute du soleil", il apprecie l'experience qui lui permet de developper une histoire sur la longueur : 420 pages editees en France chez " Casterman" (2002).

L'auteur erotique Alex varenne raconte le voyage a Paris d'un jeune japonais, Kiro, et ses rencontres coquines avec des francaises.

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Lewis Tromdheim va y publier sa " mouche "
 Il raconte lui meme avec humour son etrange experience, sa mouche plait mais...l'editeur la destine a un lectorat feminin, Lewis ne pourrait-il pas la modifier tres-tres legerement ?
      La mouche francaise est noire, pleine de dents, avec des gros yeux qui louchent... La mouche japonaise sera blanche et kawai...
     La premiere histoire est bien notee mais les editeurs " qui savent ce qui plait au Japon ", recommencent leurs " conseils " ... malgre les tripotages (ou sans doute a cause d'eux) l'histoire cesse de plaire.
La mouche (noire) paraitra en France avec le succes qu'elle merite (et meme fera l'objet d'une serie de DA).

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Edmond Baudoin (1987) raconte la fuite d'un salary man qui pete les plombs et disparait, abandonnant tout derriere lui. (l'association).

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Une mention particuliere pour Frederic Boilet, marie a une japonaise, installe au japon, et qui  y publie. il est le createur de " la nouvelle manga " (au feminin), des BD d'auteur, l'equivalent de la " nouvelle vague " au cinema.
( " l'epinard de Yukiko "   " Tokyo est mon jardin " )
     Il dirige en 2004 la collection de manga d'auteur " Sakka " chez Casterman.

             
http://www.boilet.net

Le triomphe n'est pas au rendez vous, meme si des auteurs japonais y trouvent une certaine inspiration.

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Aurore Demilly (AuroreBlackCat), qui voyait son avenir dans la biologie, a fait ses classes a l'ecole du fanzinat ( my city) elle nous offre " Pixie " en 2004, la aussi, dessin" manga " et album bd couleur.

(http://auroreblackcat.free.fr/)

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 L'excellent magazine Coyote, ne en 2002, publie des articles varies et quelques bd de jeunes auteurs francais, un veritable defi editorial.
Beaucoup leur predisent le pire, mais le pari est gagne.
     Parmi celles-ci entre 2002 et 2003 :

 Sentai School serie d'humour de Florence Torta et Philippe Cardona, ils sont publies " en vrais "chez Kami (deja plusieurs volumes).

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Le mouvement s´accelere :

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La jeune Patricia Lyfoung fait ses premieres armes sous le pseudonyme de Pat avec sa BD " Strike " dans Coyote, elle publie aujourd'hui " La rose ecarlate " dessin " manga et album classique chez Delcourt.

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Vanyda (vanyda Savatier) publie en noir et blanc l " immeuble d'en face "  qui conte la vie de voisins d'un immeuble ordinaire, ainsi que " l'annee du dragon ".(carabas et la boite a bulles)
     La jeune dessinatrice, qui a grandit avec les bd et les mangas, assume.

http://vanyda.free.fr

Deux jeunes auteurs, Shong et Walhan, sont pressentis par un responsable de " Vegetal Manga  ".
 Leur collaboration donne  " Red Earth Chronology " mais " le petit editeur est rachete par Soleil et les deux jeunes gens  ne recevront jamais l'exemplaire du contrat promis pour le travail qu'ils ont fait, ils decident alors en 2004, d'auto-editer leur bd, et de la vendre grace a internet.

http://walhan.chez-alice.fr/

En 2000 et 2002 Les editions Tonkam organisent des concours et publient les courts recits des vainqueurs dans deux volumes de " Tsuki selection "  : "les anges " T1, les dragons T2.
l'experience helas tourne court, le tome 3 " la folie " ne paraitra jamais, au desepoir des participants.

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Mais, ce sera un tremplin pour des jeunes auteurs comme Patrick Sobral dont la bande " Dynaméis " est publiee,
 En 2003, il publie " les legendaires " chez Delcourt.

Un collectif lance un projet un peu fou et genereux, utiliser le manga pour sensibiliser les jeunes aux dangers du Sida.
  Isasch et Tigodhal au scenario, Nelson Mayanda au dessin recoivent l'aide de l'ecole de BD en ligne " l'atelierBD ", et publient " Reseau positif " a 63 000 exemplaires en decembre 2005, mais on peut egalement lire leur BD en ligne sur le site :  
                                     
http://www.reseaupositif.net

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En 2005 l'editeur Ankama publie " Dofus " un manga qui puise dans l'univers d'un jeu de role original qui passionne plus de 200 000 joueurs.

www.ankama-editions.com

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Moonkey (jeune auteur belge) tente sa chance aupres des editeurs japonais avant de prepublier Dys dans Shonen collection et de voir sa serie sortir en album chez Pika.
                                      
http://www.moonkey.be/bdOgraphie.htm

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Tout comme Reno (Reno lemaire) avec Dreamland (lui aussi prepublie dans Shonen collection en 2005 et qui sort en album toujours chez Pika en 2006)

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 Pink diary (2006) se presente comme le 1er Shojo francais, la jeune Jenny, diplomee des Gobelins, travaille dans un style " manga " qui lui est naturel et abat son difficile quota trimestriel de 192 planches (15 planches par semaine !!!) avec l'aide d'un assistant.

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Certains revent de la reussite de Dragon ball en kiosque et se lancent dans l'aventure. (Oui, c'est moi qui l'achetais).

D'autres pourront, s'ils le desirent ( et s'ils ont des sous), se former chez Eurasiam  qui enseigne les " metiers du manga "  et  le " Management Europe - Japon " pour la modique somme de 6000 euros par an.

www.eurasiam.com

Ou grace aux diverses methodes par les livres qui paraissent comme des champignons.

Il ne manque plus qu'un magazine de prepublication pour les auteurs connaissant bien les codes du manga.
     En 2006, le magazine Shogun (4euros95) se prepare a l'etre.
     Les albums suivront si tout marche bien.

                                   
http://www.shoguncity.com

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Il faut y rajouter les collaborations qui commencent  :
 Deux " Grands " Jirô Taniguchi et Moebius collabore  pour " Icare "
     " Le petit monde "  nait de la rencontre entre le dessinateur japonais Toru Terada et le scenariste jean david morvan.

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Une nouvelle aventure de Spirou prend vie sous le crayon du japonais Hiroyuki Oshima.
Le petit heros belge reprend son travail de Groom a Tokyo au "New moustic-hotel" (Clin-d'oeil aux debuts du Spirou franco-belge).

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La France n'est pas le seul pays concerne,
     En Allemagne, les revues comme “ Banzai! “ (créé par Carlsen Verlag) et Daisuki encouragent lecteurs et lectrices a se lancer par le biais de concours et s'ouvrent aux jeunes talents.
     Robert Labs lance son premier manga a 16 ans, et publie " Crewman 3 ".Christina Plaka (yonen buzz) et Hanike Hage (gothic sports) prepare le " manga local " (a lire chez Soleil manga),

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Mais qu'est ce que nous appellons reellement manga ?
- un style graphique proche de celui des bd japonaises ?
- un petit format noir et blanc ?
- un decoupage dynamique presque cinematographique?
- un style de narration sans ellipse ou predomine le visuel avec peu de dialogue.
- une liberte de melanger les styles graphiques ?
- une variete de sujets et un traitement " feuilleton " ?
- des codes precis ? un sens de lecture ?
- une rapidite d'execution ?
- tout ca a la fois ?

Des auteurs publient meme dans le " sens de lecture japonais "
Et pourquoi dans le " sens de lecture japonais " ?
Et pourquoi pas, me diras-tu ?

(bizarrement c'est la rapidite d'executions qui excite les editeurs,
on raconte que certains menacent deja de rupture de contrat des auteurs juges trop lents, peut-etre en lorgnant sur le manga-francais esperent-ils se constituer des ecuries d'auteurs rapides et dociles prets a tout pour etre publies.
     J'ai lu que les mangakas gardaient les droits de leurs personnages, ce qui est une grande motivation mais c'est pas sur que les editeurs acceptent ce genre de " japonisation " ).

La reponse est plutot astucieuse :
     Les lecteurs ont pris l'habitude de lire dans ce sens.
     Le manga s'impose sur le marche francais, tous les editeurs veulent leur collection.
     Ils risquent de se retrouver dependants des editeurs japonais, qui, concurrence oblige, sont maintenant en position de force et en profitent.
     Ils ont pu augmenter considerablement leurs prix, imposer leurs exigences diverses.
     Ils esperent meme se passer des editeurs europeens en ouvrant leur propres structures ou associations comme ils le font deja aux USA ( Viz - Tokyopop).

Publier cette generation d'auteurs qui a grandi avec les mangas peut eviter cette dependance, et pourquoi pas ...revons un peu...trouver des oeuvres qui pouvent plaire aux japonais...et retourner la situation (mais pas les planches) en les faisant publier au japon....
     Et puis, il n'y a pas que le japon ou l'on lit de droite a gauche.

Le destin du " Manga francais " depend de certaines choses : le travail, le talent et la creativite des nouveaux auteurs, l'interet des editeurs et leur capacite de " tenter le coup " mais aussi (et surtout ) de la tolerance et de la curiosite des lecteurs.

Bonne nouvelle, le pari semble en passe d'etre gagne malgre les predictions pessimistes...Et c´est tant mieux.

Bien sur, le risque est grand de perdre notre personnalite en faisant un simple copier-coller.
D'abandonner un carcan pour s'enfermer dans un autre.
Certains s'en inquietent comme Moebius ou Uderzo.
Mais la creativite des jeunes auteurs semble capable de nous l'epargner.

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